Critique de Solo Recordings Vol. par Canoe

Après trois albums d’une lourdeur rock peu commune, tapissés de guitares hurlantes et de riffs à fendre les murs, le Trifluvien Steve Hill est de retour avec un disque à saveur nettement plus blues, plus subtil dans l’approche, mais encore une fois d’un goût irréprochable.

Cette fois, Hill a enregistré seul, avec de vieilles guitares et une grosse caisse, un opus qui semble venir de ses plus profondes racines musicales, une sorte de mélange de blues, d’accents country et un peu de southern rock. On y retrouve des masses de guitare slide, un style qu’il maîtrise évidemment parfaitement et qui colle au blues depuis son invention.

L’album contient 12 pièces, dont huit ont été écrites par le guitariste virtuose. D’un disque à l’autre, la qualité de ses compositions s’est sans cesse appréciée et sur Solo Recordings, Volume 1, cette tendance se maintient.

Ever Changing World, qui lance l’ensemble, le montre pensif sur l’état du monde et sur l’impossibilité de prédire ce qu’il en adviendra. C’est l’une des meilleures pièces, d’une sournoise efficacité. Sur The Ballad of Johnny Wabo, il règle vraisemblablement ses comptes avec Toronto tout en imageant sur la résilience dont il a dû faire preuve en développant son art.

Gotta Be Strong and Carry On, présente sur l’album de 2007 Devil At My Heels en format hard rock, fait un retour ici, et c’est tant mieux: il s’agit de l’une de ses bonnes chansons en carrière, également fort utile pour combattre toute forme de découragement. Est-ce que King Of The World a été écrite par Lightning Hopkins? Non. C’est encore lui.

Comme à l’habitude, Steve Hill montre à travers ses reprises l’étendue de sa culture, le raffinement de son goût et un peu de son courage. Reprendre Muddy Waters? Beaucoup l’ont fait, peu ont vraiment réussi. Hill canalise assez bien l’énergie de ce pape du blues, il n’a certes pas sa voix, mais personne ne l’a. Honey Bee, enregistrée dans les années cinquante par Waters, demeure une réussite, un bon choix.

La surprise vient de sa version d’Ain’t Wasting Time No More, écrite par le Allman Brothers Band durant les années soixante-dix. Une très belle chanson, que l’histoire a oubliée. Hill la livre ici dans un format fort différent, mais en conserve la charge émotive avec brio. Chapeau.

Par ailleurs, le style dépouillé de l’album met sa voix encore plus à l’avant-plan, ce qui peut s’avérer un terrain glissant. Steve Hill n’est pas Robert Plant, ou Steve Marriott. Mais son métier, son chant travaillé font que le tout fonctionne à merveille. Il chante souvent dans un registre plus bas, ce qu’il n’a pas tant fait sur ses albums précédents, révélant du même coup une carte cachée parmi ses qualités. Cette façon de faire lui convient très bien.

Steve Hill ne sera jamais une grande vedette, mais il est peut-être le meilleur au pays dans ce qu’il fait. Mieux encore, il semble être un amoureux de la musique avant même d’être un musicien et ça s’entend. Il perpétue la beauté des genres fondamentaux avec une dextérité hors du commun.

Un bon disque, sans aucun doute, qui doit très bien s’écouter en voiture.

Lire la critique complète ici